Les magistrats en grève jeudi et vendredi

Actualité – Point de vue

Les faits sont atroces. Laetitia est morte démembrée à Pornic, elle a 18 ans. Il faut trouver les coupables. L’enquête conduit à s’interroger sur la culpabilité de Tony Meilhon — qui avoue. Sauf que Tony Meilhon est un multirécidiviste — il a à son actif 13 condamnations dont une pour viol. Après avoir purgé sa peine, il est remis en liberté au cours de l’année 2010.

Cette affaire criminelle serait restée une affaire parmi d’autres, si un commentaire du Président de la République n’avait pas provoqué une première : la grêve des magistrats.

Celui-ci, ému par les faits, s’insurgent : « Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s’assurer qu’il sera suivi par un conseiller d’insertion, c’est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés, c’est la règle. » Il accuse « les dysfonctionnements graves ».

Sauf que Tony Meilhon était sorti de prison après avoir purgé sa peine. Sauf qu’il n’est pas « présumé coupable » comme le dit notre Président mais présumé innocent jusqu’au jugement. Et qu’on est au stade de l’enquête.

Les magistrats nantais soutenus par la plupart des juridictions dont Paris et Béziers et même la Guadeloupe et par les services de police ont réagi vivement appelant à la grève par le report des audiences non urgentes et une manifestation qui aura lieu ce jeudi 10 février 2011. Les avocats sont invités à s’y joindre.

Par principe, les magistrats, ne devant pas entraver le fonctionnement de la justice, ne font pas grève. Sauf qu’il est ici question de les désigner comme responsables de faits atroces avant toute enquête.

  • Le travail du juge est de regarder un individu présent devant lui par rapport aux faits et décisions passées. En aucune sorte, le juge n’est là pour anticiper / deviner l’avenir. Il cherche à prendre la décision juste.

Que le pouvoir exécutif fustige le pouvoir judiciaire est une incursion contraire à la séparation des pouvoirs. Atteinte à l’indépendance des magistrats, de s’insurger contre les dysfonctionnements, c’est remettre en cause les moyens mis à la disposition de la justice — et donc l’État et non ses juges.

  • La ligue des droits de l’homme critique notamment le terme de « présumé coupable » employé par le Président, terme qui porte atteinte à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantissant la présomption d’innocence.

Il ne s’agit pas de nier les responsabilités mais de déterminer l’identité des auteurs de fautes. L’atrocité des évènements ne peut faire oublier qu’on juge des hommes et non des faits.

Les institutions sont là pour s’entendre et non pour se détruire entre elles.

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