Nous voici à la veille d’un tournant fondamental dans notre histoire démocratique : à partir du 1er mars 2010, les citoyens pourront saisir le Conseil constitutionnel lors d’une instance.
A la veille de ce tournant, il n’est pas surprenant que le gouvernement s’affole de l’influence des décisions du Conseil constitutionnel et de son indépendance.
Tout de suite affluent de nombreuses questions :
État des lieux :
1. Qu’est-ce que le Conseil constitutionnel ? Le Conseil constitutionnel est un organe qui contrôle la validité des lois par rapport à la Constitution (contrôle de constitutionnalité des lois).
Non seulement il est indépendant du gouvernement et du Parlement, mais encore il est le dernier recours permettant de censurer une loi illégale!
Gage de la démocratie, il veille au respect des droits et des libertés des citoyens définies dans la constitution – plus exactement dans le bloc de constitutionnalité.
2. La Constitution versus la loi : Les normes sont hiérarchisées selon la pyramide de Kelsen : toutes les normes inférieures doivent être conformes à toutes celles qui lui sont supérieures. La hiérarchie des normes est établie en fonction de la qualité de ses rédacteurs :
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Le bloc de constitutionnalité est composé du préambule et de la Constitution de 1958, du préambule de la Constitution de 1946 (droits sociaux), de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (droit politique), de la charte de l’environnement (depuis 2005), des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (découverts par le Conseil constitutionnel lui-même).
3. Qu’est-ce que le contrôle de constitutionnalité des lois ? La démocratie est garantie par le fait que nos dirigeants ne sont pas tous puissants : ils sont limités dans leur pouvoir par leur obligation de respecter la Constitution – sauf à la modifier par une procédure très stricte (loi organique). Le rôle du Conseil constitutionnel est d’assurer ce contrôle.
4. Comment est mis en œuvre le contrôle de constitutionnalité ? Jusqu’au 1er mars 2010, le Conseil constitutionnel ne pouvait être saisi qu’avant l’adoption de la loi, soit par le président de la République, soit par le Premier ministre, soit le président de l’Assemblée nationale, soit par le président du Sénat ou encore par 60 députés et/ou sénateurs.
Rappel historique :
Le Conseil constitutionnel est un organe qui a eu beaucoup de mal à s’instaurer en France et qui n’a acquis de véritables pouvoirs de contrôle que très récemment (décision de 1971 protégeant la liberté d’association). L’idée de la toute puissance de la loi est très encrée en droit français.
D’où, l’absence de recours du justiciable, mécanisme démocratique qui manquait dans notre paysage juridique. Il sera désormais possible à tout un chacun de contester la validité d’une loi !
Procédure du contrôle de constitutionnalité par les justiciables :
Désormais, notre Constitution est enrichie d’un article 61-1 qui confère une prérogative nouvelle en cas de litige devant les tribunaux français, prérogative dont les modalités ont été définies par la loi organique 2009-1523 du 10 décembre 2009 sous la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 n°2009-595 DC.
En pratique : il s’agit de litiges qu’ont à connaître les juridictions de l’ordre judiciaire (TGI, TI, tribunaux de commerce, conseils des prud’hommes, tribunaux de police, tribunaux correctionnels…, cours d’appel, Cour de cassation) et administratif (tribunaux administratifs, … cours administrative d’appel, Conseil d’État), pendant l’instruction ou l’exécution d’une décision de justice, sauf en cours d’assise.
Pour pouvoir demander le contrôle de constitutionnalité de la loi, 3 conditions cumulatives doivent être remplies par le justiciable :
– que la loi soit applicable au litige en question ; – que le Conseil constitutionnel n’est pas déjà déclaré la loi conforme – sauf changement de circonstances ; – que la question est un caractère sérieux.La procédure se déroule alors en 3 étapes:
– Remise d’un écrit spécifique et motivé à la juridiction ; – Décision motivée de la juridiction de transmettre l’écrit à la Cour de cassation ou au Conseil d’État sans délai et transmission dans les 8 jours de l’écrit ; – Décision motivée de la Cour de cassation ou du Conseil d’État de transmettre au Conseil constitutionnel l’écrit dans les 3 mois ; – Le Conseil constitutionnel entend les parties (le justiciable et le président de la République, ou le Premier ministre, ou le président de l’Assemblée nationale, ou le président du Sénat) et rend sa décision dans les 3 mois.A chaque étape, les 3 conditions pour pouvoir demander la constitutionnalité de la loi sont vérifiées par un contrôle de plus en plus rigoureux.
A chaque étape, il est décidé du sursis à statuer : la procédure est suspendue pendant que l’écrit est transmis à chaque échelon. Néanmoins, le litige sera tout de même tranché sans attendre lorsque pénalement une personne est privée de sa liberté, en cas de délai d’urgence ou d’obligation de statuer dans un délai déterminé, et lorsqu’il existe un risque de créer des conséquences irrémédiables.
Dans tous les cas, si la loi est déclarée non conforme, cette décision ne vaut que pour l’avenir – exception faite du justiciable qui a soulevé l’inconstitutionnalité !
Il ne reste plus qu’à connaître les droits et libertés garanties, puisque ceux-ci s’invitent dans le débat judiciaire!
N. B. : Outre la procédure de contrôle de constitutionnalité, il peut toujours être demandé le contrôle du respect du droit européen (Cour européenne des droits de l’homme in fine) et du droit communautaire (Cour de justice de la communauté européenne in fine) devant les juridictions de droit commun.
N. B. : Les membres en ce début janvier 2010 du Conseil constitutionnel sont au nombre de:
– 9 « sages » : Jean-Louis Debré, Olivier Dutheillet de Lamothe, Dominique Schnapper, Pierre Joxe, Pierre Steinmetz, Jacqueline de Guillenschmidt, Jean-Louis Pezant, Renaud Denoix de Saint Marc, Guy Canivet; – auquel s’ajoutent 2 membres de droit que sont les anciens président de la République :Valérie Giscard d’Estaing, Jacques Chirac.Tags : Constitution, contrôle de constitutionnalité, démocratie directe, droits et libertés, environnement