Archive pour la catégorie ‘Libertés publiques’

Il est interdit de cacher son visage dans les espaces publics

mercredi 13 octobre 2010

Le port du voile intégral est une pratique en pleine expansion en France qui a posé la question de la liberté de cette pratique.

Le législateur a pris position et a restreint cette liberté. La loi ne porte pas seulement sur le port du voile intégral, elle porte sur le fait, pour quelques raisons que ce soit, de cacher son visage pour des femmes comme des hommes.

Il s’agit désormais d’une infraction de deuxième classe sanctionnée par 150 euros d’amende. L’article 1 dispose que « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage« . L’espace public s’entend comme les voies publiques (la rue), les lieux ouverts au public ou affectés à un service public (ce pourrait être la mairie ou un commissariat notamment). Des exceptions ont été prévues : pour des raisons de santé (les enfants de la Lune par exemple), professionnelles (on pense au pompier), de pratiques sportives (l’escrime est sauf), ou de manifestations artistiques, festives, ou traditionnelles.

Même si la loi est générale dans sa rédaction, elle visait une pratique religieuse. Or, la pratique religieuse dans les lieux de culte n’était pas mentionnée en tant que tel au titre des exceptions. C’est désormais chose faite grâce à la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel : « toutefois, l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait, sans porter une atteinte excessive à l’article 10 de la Déclaration de 1789, restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public. »

L’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 proclame en effet : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.« 

Le législateur a pris cette mesure sur des motifs de sauvegarde de la sécurité publique afin de pouvoir identifier plus facilement les personnes. Le législateur se repose également sur une certaine vision de la société : « le législateur a estimé que de telles pratiques […] méconnaissent les exigences minimales de la vie en société ; qu’il a également estimé que les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non, se trouvent placées dans une situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d’égalité. »

Ses motivations sont clairement destinées à répondre au développement du voile intégrale et ce quelques soient la volonté de la femme. Une autre infraction a également été instituée : sans plus être une simple contravention, le fait de contraindre une personne à dissimuler son visage est un délit passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n°2010-613 du 7 octobre 2010, après avoir constaté les raisons du législateur, a considéré que cette loi était conforme au bloc de constitutionnalité français « le législateur a adopté des dispositions qui assurent, entre la sauvegarde de l’ordre public et la garantie des droits constitutionnellement protégés, une conciliation qui n’est pas manifestement disproportionnée.« 

L’Europe réfléchit actuellement à une législation comparable à celle de la France.

Conseil constitutionnel décision n° 2010-613

Rapport de la Commission des lois – 23 juin 2010

Révolutionnons nos droits !

vendredi 22 janvier 2010

Nous voici à la veille d’un tournant fondamental dans notre histoire démocratique : à partir du 1er mars 2010, les citoyens pourront saisir le Conseil constitutionnel lors d’une instance.

A la veille de ce tournant, il n’est pas surprenant que le gouvernement s’affole de l’influence des décisions du Conseil constitutionnel et de son indépendance.

Tout de suite affluent de nombreuses questions : (suite…)

Quelle place pour la liberté d’expression?

lundi 16 novembre 2009

Opinion

Nous laissons-nous libre de nous exprimer? De multiples tentatives des citoyens de limiter leur propre liberté d’expression relance le débat de la place de la liberté d’expression.

Fondement et garante de la démocratie, la liberté d’expression dérange. Peut-on tout dire? Evidemment non : on ne peut pas injurier en portant atteinte sans fondement à une personne. On ne peut pas non plus diffamer, reprocher un fait sans fondement pour nuire à une personne. Hormis ces cas, on peut débattre, caricaturer, critiquer, donner son sentiment, ses opinions… la liberté est presque totale.

Enfin… pas vraiment. Aujourd’hui, la diffusion de l’information est telle qu’on devient frileux, parfois à raison, parfois… au risque de porter atteinte à notre propre liberté d’expression. Or, de la liberté d’expression, dépend notre liberté de penser.

Plusieurs faits dans l’actualité témoignent de cet état de confusion dans lequel on se situe :

Le débat s’est ouvert concernant les blogs, et plus particulièrement les blogs des jeunes étudiants ou lycéens dont les propos vexatoires à l’égard de leurs professeurs ont posé la question du difficile laisser-faire. La réponse fut mitigée : on ne peut pas insulter gratuitement un professeur. Le risque est bien sûr d’interdire la critique, même facile, de ses enseignants. Quand le journal intime devient public, on apprend que tout ne peut pas être dit.

Outre ces débordements, la question s’est portée sur la liberté d’expression des artistes, qu’ils soient dessinateurs, écrivains, chanteurs ou autres.

On se souvient du scandale suscité par les caricatures de Mahommet diffusé dans les journaux. Plus récemment, la question de la liberté d’expression s’est posée pour les rappeurs tels que Sniper, Passi, Sinik ou Ministère Amer. Ainsi Mohammerd Bouroka alias Hamé est-il poursuivi pour diffamation envers la police nationale. Son avocat Me Dominique Tricaud en appelle à Baudelaire pour soutenir les intérêts de son client. Et oui, Baudelaire a été condamné pour outrage aux bonnes moeurs avant d’être réhabilité par la justice lorsqu’on a pris conscience que nos enfants récitaient ses poèmes dans les salles de classes. On se souvient du groupe NTM dans les années 90 dont les propos, non moins plaisants à l’égard des forces de l’ordre n’avaient pas suscités tant de polémique sur la liberté d’expression. Aux oreilles chastes la liberté de s’offusquer et aux révoltés la liberté de fredonner ses vers des temps modernes?

Cette confusion concerne encore la lauréate 2009 du prix Goncourt, Marie Ndiage accusée de porter atteinte à la « cohésion nationale et à l’image de la France » en ayant tenu des propos « peu respectueux à l’égard des ministres de la République et plus encore du chef de l’Etat ». Y-a-t-il un devoir de réserve? Non. Mais la question est lancée et suscite une réelle interrogation sur le « laisser dire ».

On parle de limiter l’internet, on réfléchit à la mise en place d’un établissement public de l’information, qui n’est pas sans évoquer le risque de censure. On ne saurait oublier la difficulté politique de la France à autoriser les radios et la presse libre.

Se pose la question en filigrane de la limite souhaitée à la liberté d’expression. A l’heure des réformes de l’internet et de la télévision, cette question doit être mise en lumière et replacée au coeur des débats et non laissée dans l’ombre . Il ne faut pas minimiser le débat actuel entre la liberté d’expression et le politiquement correct qui se pose par la question de l’interdiction de « Tintin au Congo ». Si on interdit aujourd’hui la pensée d’hier, quelle pensée reste-t-il pour aujourd’hui et demain?

Le liberté d’expression est un réel enjeu. L’internet est à la fois un instrument international d’accès à l’information pour tous, tentant de briser le pouvoir de censure et de propagande. Mais les excès et les abus existent. Et la question du délicat équilibre entre la liberté et ses limites est relancée.

[Réserve: Il est ici question de la liberté d’expression dans le respect de la loi et en aucun cas cela ne concerne un débat sur la poursuite ou la condamnation des délits de diffamation et d’injures.]