Quelle place pour la liberté d’expression?

Opinion

Nous laissons-nous libre de nous exprimer? De multiples tentatives des citoyens de limiter leur propre liberté d’expression relance le débat de la place de la liberté d’expression.

Fondement et garante de la démocratie, la liberté d’expression dérange. Peut-on tout dire? Evidemment non : on ne peut pas injurier en portant atteinte sans fondement à une personne. On ne peut pas non plus diffamer, reprocher un fait sans fondement pour nuire à une personne. Hormis ces cas, on peut débattre, caricaturer, critiquer, donner son sentiment, ses opinions… la liberté est presque totale.

Enfin… pas vraiment. Aujourd’hui, la diffusion de l’information est telle qu’on devient frileux, parfois à raison, parfois… au risque de porter atteinte à notre propre liberté d’expression. Or, de la liberté d’expression, dépend notre liberté de penser.

Plusieurs faits dans l’actualité témoignent de cet état de confusion dans lequel on se situe :

Le débat s’est ouvert concernant les blogs, et plus particulièrement les blogs des jeunes étudiants ou lycéens dont les propos vexatoires à l’égard de leurs professeurs ont posé la question du difficile laisser-faire. La réponse fut mitigée : on ne peut pas insulter gratuitement un professeur. Le risque est bien sûr d’interdire la critique, même facile, de ses enseignants. Quand le journal intime devient public, on apprend que tout ne peut pas être dit.

Outre ces débordements, la question s’est portée sur la liberté d’expression des artistes, qu’ils soient dessinateurs, écrivains, chanteurs ou autres.

On se souvient du scandale suscité par les caricatures de Mahommet diffusé dans les journaux. Plus récemment, la question de la liberté d’expression s’est posée pour les rappeurs tels que Sniper, Passi, Sinik ou Ministère Amer. Ainsi Mohammerd Bouroka alias Hamé est-il poursuivi pour diffamation envers la police nationale. Son avocat Me Dominique Tricaud en appelle à Baudelaire pour soutenir les intérêts de son client. Et oui, Baudelaire a été condamné pour outrage aux bonnes moeurs avant d’être réhabilité par la justice lorsqu’on a pris conscience que nos enfants récitaient ses poèmes dans les salles de classes. On se souvient du groupe NTM dans les années 90 dont les propos, non moins plaisants à l’égard des forces de l’ordre n’avaient pas suscités tant de polémique sur la liberté d’expression. Aux oreilles chastes la liberté de s’offusquer et aux révoltés la liberté de fredonner ses vers des temps modernes?

Cette confusion concerne encore la lauréate 2009 du prix Goncourt, Marie Ndiage accusée de porter atteinte à la « cohésion nationale et à l’image de la France » en ayant tenu des propos « peu respectueux à l’égard des ministres de la République et plus encore du chef de l’Etat ». Y-a-t-il un devoir de réserve? Non. Mais la question est lancée et suscite une réelle interrogation sur le « laisser dire ».

On parle de limiter l’internet, on réfléchit à la mise en place d’un établissement public de l’information, qui n’est pas sans évoquer le risque de censure. On ne saurait oublier la difficulté politique de la France à autoriser les radios et la presse libre.

Se pose la question en filigrane de la limite souhaitée à la liberté d’expression. A l’heure des réformes de l’internet et de la télévision, cette question doit être mise en lumière et replacée au coeur des débats et non laissée dans l’ombre . Il ne faut pas minimiser le débat actuel entre la liberté d’expression et le politiquement correct qui se pose par la question de l’interdiction de « Tintin au Congo ». Si on interdit aujourd’hui la pensée d’hier, quelle pensée reste-t-il pour aujourd’hui et demain?

Le liberté d’expression est un réel enjeu. L’internet est à la fois un instrument international d’accès à l’information pour tous, tentant de briser le pouvoir de censure et de propagande. Mais les excès et les abus existent. Et la question du délicat équilibre entre la liberté et ses limites est relancée.

[Réserve: Il est ici question de la liberté d’expression dans le respect de la loi et en aucun cas cela ne concerne un débat sur la poursuite ou la condamnation des délits de diffamation et d’injures.]

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Une réponse à “Quelle place pour la liberté d’expression?”

  1. Gégé dit :

    Révooolutionnnn…

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