Le comportement face au consentement

Technique juridique

Le droit contracutel repose sur la volonté des parties. Et c’est bien de volonté dont il est question et non de consentement, contrairement à ce que nous y invite à penser l’article 1108 du C. civ. Cet article impose, comme condition de formation du contrat, que les parties consentent au contrat.

Il faut prendre garde à ne pas confondre les notions de consentement et de volonté. Marie Anne Frison-Roche l’illustre dans son article « Distinction entre la volonté et le consentement » :

« Il faut bien que les volontés se rencontrent pour que les consentements s’échangent ». 

Le consentement extériorise une volonté libre et éclairée. Les parties qui consentent, ont déterminé l’objet et la cause de leur engagement, elles le font en connaissance de cause. De là, découle les conséquences juridiques attachées à leur engagement. L’erreur, la violence, le dol, qui vicient le consentement, permettent dans une certaine mesure de réparer l’expression d’un consentement malheureux. Les parties, sur décision judiciaire, peuvent effacer les conséquences de leur consentement.

« Si le consentement est fils de la volonté, leur lien ne doit pas être brisé ».

Rien de similaire avec la volonté. Celle-ci n’est pas nécessairement réfléchie, elle ne connaît pas de vices. Oui, mais dans une certaine mesure, elle engage les parties. Celles-ci se voient déclarées par les juges responsables juridiquement sans y avoir consenties. Parce qu’elles l’ont voulu, sans le savoir. Inconscientes de la qualification juridique de leur comportement, elles se trouvent liées par un régime alors qu’elles n’ont pas forcément mesuré la portée de leur engagement.

Ainsi en est-il de la société créée de fait. La société repose en principe sur un contrat de société. Le consentement s’exprime alors à la signature des statuts, lors du contrat d’apport et autres actes constitutifs. Une relation, quelle qu’elle soit, peut se voir requalifiée par le juge en société si le comportement des parties traduit une volonté de s’associer, un affectio societatis. Peu importe que les parties n’en aient pas eu conscience : le créancier pourrait obtenir leur condamnation solidaire et tout le régime du droit commun des sociétés pourra être appliqué.

Ainsi en est-il de la tacite reconduction. Ce mécanisme repose là encore sur le comportement des parties. Les parties ont pu consentir par une clause et prévoir que leur comportement produirait un effet juridique. Dans ce cas la volonté est contractualisée. Mais la tacite reconduction peut jouer en dehors de toute prévision contractuelle : les parties sont alors liées par un contrat sans y avoir consenti parce qu’elles ont ignoré le terme extinctif et que, par leur comportement, elles ont poursuivi l’exécution de leur contrat.

Il ressort de ces deux situations, que la jurisprudence instrumentalise la volonté pour apporter un cadre juridique à une situation et ce, parce que cette situation produit des effets de droit sans avoir été qualifiée au préalable par les parties. Les parties n’ont pas déterminé le véhicule juridique de leur comportement. C’est une forme de qualification subsidiaire. Il en ressort que le comportement exprime la volonté, extériorisée par le consentement.

Pour déjouer le sort d’un comportement malheureu dont les conséquences ne sont pas négligeables, la solution est de contractualiser la volonté pour contrer ce pouvoir du juge.  Marie Anne Frison-Roche souligne le fait que:

« On ressent plus sereinement la contrainte du consentement que la contrainte de la volonté ».

Ainsi, la pratique a pensé à prévoir des clauses de non-reconduction tacite pour protéger la partie qui manquerait à la diligence de dénoncer son contrat et dont le comportement ne traduirait pas alors une volonté mais une simple négligence.

Oui, mais si les parties expriment une volonté contraire à l’arrivée du terme et consentent à la reconduction ? C’est là que le bas blesse: la jurisprudence fait primer le consentement initial et refuse d’appliquer le mécanisme de la tacite reconduction. La situation est alors privée de qualification juridique.

Consentement ou Comportement conduisent à l’engagement. Et Carbonnier de dire

« On contracte comme on se marie ».

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