Technique juridique
Reconduire un contrat, c’est faire du nouveau avec de l’ancien. C’est plus que conclure un nouvel accord, c’est autre chose que renégocier entre les mêmes parties, c’est véritablement asseoir un nouveau contrat sur son prédécesseur. Il y a une intimité entre les deux contrats qui fait que, celui qui était, transmet, à celui qui est, une partie de son contenu.
On pourrait dire qu’il y a identité de parties et identité d’objet.
Entièrement livrée à la jurisprudence, cette notion, loin de bénéficier d’un régime limpide, est soumise à débat sur son contenu. A priori privé d’instrumentum complet et indépendant (acte écrit), encore faut-il savoir ce qui est transmis.
La jurisprudence décide traditionnellement que les contrats reconduits ont le même contenu sauf en ce qui concerne leur durée et les clauses/engagements accessoires.
– Longtemps contesté – pourquoi seule la durée différerait? – aujourd’hui on admet ce principe de justice contactuelle : dans le silence des parties, si le contrat était à durée déterminée, celles-ci se verraient privées de la faculté de rompre leur engagement auquel elles n’ont pas consenti explicitement. La force obligatoire a une telle importance, qu’en matière de durée, on ne peut se satisfaire de l’implicite. Il faut un consentement exprès.
– Pour les clauses/engagements accessoires, on en revient à l’essentiel. A la substance, se débarrassant du superflux.
En 2005 la cour de cassation s’était exprimée en ces termes: « et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques » (Cass. 1ère civ. 15 novembre 2005 n°02-21.366).
Introduisant l’idée d’un contenu différent, voici qu’un nouvel arrêt vient inspirer un doute légitime sur la notion de reconduction: le 4 juin 2009, la cour de cassation indiquait que, les parties ayant consenti par silence circonstancié, le contrat avait été reconduit dans des termes identiques (Cass. 1ère civ. 4 juin 2009 n°08-14.481). Et de préciser que le prix aurait pu être renegocié.
A priori, oui, les parties sont toujours libres de renégocier un nouvel accord et d’exercer leur liberté de contracter. Mais alors, on sort de la tacite reconduction et même de la reconduction expresse.
Certains auteurs en concluent, peut-être attivement, que cet arrêt permet au contrat reconduit d’être modifié dans sa substance. Prudence à ne pas faire dire à la cour de cassation plus que ce qu’elle n’entend ! Une telle interprétation bouleverserait la notion même de reconduction !
Car, que serait un contrat reconduit débarassé à la fois de sa durée, à la fois de ses clauses accessoires et encore en plus de ses éléments substantiels ? En quoi ce contrat resterait identique ou similaire au précédent si ce n’est l’identité de parties?
Faut-il véritablement réduire la notion de contrat reconduit à un nouveau contrat entre les mêmes parties dans une sucession temporelle ininterrompue, peu importe le coeur de leur engagement? C’est le contrat qui est reconduit et non la relation entre les parties.
En tout état de cause, il faudrait une reconduction expresse et non tacite pour pouvoir renégocier les éléments substantiels. Il est à espérer que les juges ne cèdent pas à cette tentation consistant à confondre négocier un nouveau contrat et reconduire un contrat.