Opinion
Le droit permet de répondre à un problème de société. Ainsi en est-il de l’accouchement sous X, solution datant du 16ème siècle face aux abandons d’enfants dans les rues : l’accouchement sous X permis par l’Hotel Dieu permettait de lutter contre l’infanticide. A cette époque, il n’y avait point de moyen de contraception, ni de législation autorisant, dans certaines conditions, l’interruption de grossesse. Seule la femme prenait alors en charge l’éducation des enfants.
La Cour de cassation est on ne peut plus claire : la femme a le pouvoir juridique d’effacer sa maternité et, de ce fait, d’ôter tout lien de filiation entre l’enfant et son père et ses grand-parents. Juridiquement, le lien de famille est établi par la femme: peu importe que le père ait reconnu l’enfant avant la naissance, si la femme accouche sous X, la reconnaissance du père n’a pas d’effet.
Cette solution juridique paraît obsolète dans le contexte actuel. La révolution féminine a permis le contrôle des naissances, et la révolution sociale a vu apparaître une revendication du rôle du père dans les liens avec l’enfant. A cela s’ajoute le rôle de la DDASS qui accueille les enfants dont les parents ne veulent pas assumer leur rôle. Enfin, les tests génétiques permettent d’établir la filiation sans passer par l’accouchement de la mère.
Les juges continuent pourtant de préférer une mère à un père pour la garde des enfants. Une situation injuste est aujourd’hui maintenue: si un père, qui ne veut pas être père, doit assumer ses responsabilités et notamment assumer financièrement l’enfant, il suffit à la femme d’accoucher sous X pour ne pas avoir à supporter les conséquences de sa maternité. Une mère peut obliger un père envers son enfant mais la réciproque ne se vérifie pas.
Le droit privilégie aujourd’hui le droit à l’anonymat de la mère sur l’intérêt de l’enfant de connaître ses origines. On protège la femme au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant, et du droit du père.
De cette législation, il résulte des situations dramatiques, dont la jurisprudence regorge d’exemples ! On préferera l’adoption au droit du père d’exercer sa paternité. Ainsi, la Cour d’appel de Riom le 16 décembre 1997 considérait qu’une reconnaissance prénatale de paternité « est sans effet direct, puisqu’elle concerne l’enfant d’une femme qui, selon la loi, n’a jamais accouché » (Dalloz 1998 Som. p. 301).
Un juge du fond remet en cause la légitimité de la position de la Cour de cassation. Un magistrat vient d’autoriser en référé des grands-parents à exercer leur rôle contre l’avis de la mère qui a accouché sous X. Et mon confrère Lauren Berrué de dire : « Enfin, un juge prend en compte l’intérêt de l’enfant! » « Cette petite fille a non seulement le droit de connaître ses origines, mais elle doit être maintenue dans son milieu familial plutôt que d’être confiée à des tiers. » Et mon confrère Pierre Nédélec d’ajouter « cette décision est audacieuse. Le lien biologique supplante le lien juridique. C’est une totale remise en cause de la volonté de la mère de protéger son anonymat ».
Pour l’avocat du préfet par contre : « cette décision annonce la fin de l’accouchement sous X. Alors que le lien de filiation est rompu avec la mère, on le recrée avec des ascendants ». Il précise et s’offusque « Le père génétique pourrait également revendiquer des droits ». Oui, il serait tant qu’on redonne une place au père envers l’enfant et qu’un père qui veut exercer ses droits puissent juridiquement le faire, peu importe la volonté de la mère. Cette inégalité structurelle n’est plus justifié de nos jours.
Il y aura sûrement appel de ce jugement qui risque de ne pas prospérer, mais cela ouvre le débat sur l’utilité aujourd’hui de conserver l’institution de l’accouchement sous X.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/10/08/01016-20091008ARTFIG00604-ne-sous-x-des-grands-parents-autorises-a-prouver-la-filiation-.php
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Un-juge-d-Angers-bouscule-l-accouchement-sous-X-_3636-1101623_actu.Htm